Journal de l'économie

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Haro sur Amazon ou Hourra pour Amazon ?





Le 12 Février 2021, par Nicolas Lerègle

« Croyez-vous que le général de Gaulle aurait vendu la France à Amazon ? » a pu dire, jamais en retard d’une stupidité prononcée avec profondeur, Ségolène Royal lors d’une interview. Pas plus de Gaulle que Clovis ou Louis XIV n’ont ou auraient eu l’intention de vendre la France à qui que ce soit, mais peut-être auraient-ils, par contre vendu voire céder Ségolène Royal à Amazon pour en être débarrassé. Maintenant le propos pour benêt qu’il soit traduit les fantasmes générés par cette entreprise qui a fait de son fondateur l’homme le plus riche de la planète.


Haro sur Amazon ou Hourra pour Amazon ?
Comme toute réussite Amazon suscite en France plus de critique et de réprobations que de louanges et d’admiration. De Gaulle comme il l’a fait pour l’espace, le nucléaire ou l’informatique aurait certainement favorisé la création de champions nationaux de la logistique ou de la distribution et se serait certainement demandé pourquoi nul français n’a fait ce que l’américain a réalisé. Autres temps autres mœurs en somme.

Plus sérieusement la question est de savoir si, à l’évocation d’Amazon, on doit froncer les sourcils comme le font une partie de la gauche et de la droite « des territoires », de la France insoumise et autres lepénistes en mal de positionnement ou, au contraire, se réjouir de l’implantation en France de telles plateformes.

On peut préférer que les emplois devant être créés le soient en France et pas ailleurs. Il est loin le temps où la logistique rimait avec des déserts de main-d’œuvre. Aujourd’hui les entrepôts sont des outils immobiliers à la technologie de pointe, garantissant des conditions de conservation, de préservation, de sécurité des produits optimums. Ils sont aussi des vecteurs de développement local pour tout un ensemble de sous-traitants, de prestataires et de partenaires, contribuant ainsi, à partir d’un positionnement routier favorable, au développement d’un bassin d’emploi qui dépasse largement les grilles entourant les bâtiments concernés.

On peut considérer que le besoin existe et justifie de telles implantations. Ce phénomène qui existait avant 2019 et se développait déjà fortement s’est considérablement accéléré avec la pandémie que nous connaissons. Les ventes d’Amazon comme des autres distributeurs en ligne ont connu des croissances fortes et le réflexe de la commande et de la livraison à son domicile s’est profondément ancré. Apparemment cela n’a pas entrainé, comme certains Cassandre le laissaient entendre, la disparition des commerces de proximité qui ont même, pour certains, recouvré de la vigueur.

Alors Haro sur Amazon ?
Pas vraiment. Il conviendrait même de remercier Amazon de s’implanter en France.
Il serait bon pour des élites politiques – aussi proches du peuple qu’elles s’imaginent l’être – de se rappeler que de moins en moins de sociétés proposent aujourd’hui un éventail de postes qui vont du très peu qualifié à celui à forte valeur ajoutée. On ne peut pas dire que Morgan Stanley ou MacKinsey proposeraient des emplois aussi variés. Or si on ne veut pas que se renouvellent les tensions sociales de type « gilets jaunes » il serait bon que tout à chacun, quel que soit ces diplômes, qualifications ou facilités intellectuelles puisse s’insérer dans un environnement social normal. Ce n’est pas être méprisant que de rappeler que certaines zones de paupérisation dans nos villes et campagnes trouvent leurs origines dans l’absence d’issue professionnelle stable et durable. Avec pour conséquences le recours à des expédients de survie à la frontière du droit et de la délinquance.

Alors la lecture d’un article expliquant : « le géant américain du commerce en ligne Amazon ne craint pas la crise économique actuelle. Au contraire, l’entreprise poursuit son développement en France et prévoit de recruter 3000 personnes en CDI sur l’année 2021, portant ses effectifs totaux à 14500 salariés en CDI d’ici la fin de l’année, selon un communiqué diffusé mercredi 10 février.

Ces nouveaux salariés seront “préparateurs de commandes, mais aussi ingénieurs, jeunes diplômés, chargés de ressources humaines, informaticiens, spécialistes de la santé et de la sécurité”, explique l’entreprise, qui précise que “les recrutements réalisés au sein du réseau logistique d’Amazon s’inscriront dans le cadre d’une convention nationale avec Pôle emploi”.

Début novembre, le directeur général d’Amazon France Frédéric Duval revendiquait “9300 employés directs” en France, auxquels s’ajoutent 2200 postes en CDI créés en 2020 et 3000 en 2021, selon une annonce mercredi. D’où un total de 14500 salariés en CDI à fin 2021 » (le Monde 11.02.2021). Ne peut que réjouir.

Il est bon qu’une entreprise soit en mesure de proposer un éventail aussi large de fonctions et que les politiques français et les entreprises nationales devraient plutôt s’en inspirer plus que d’entonner le refrain un peu daté « US go home ». Les entreprises et cela parfois les sociétés américaines ont, paradoxalement au regard de l’image qu’elles ont, mieux intégré leur dimension sociale et citoyenne. L’emploi de personnes handicapées ou l’instauration de normes de vie en société respectueuse de nos différences sont depuis longtemps intégrés dans des entreprises étrangères anglo-saxonnes reproduisant ici les qualités – mais aussi les travers – qui les caractérisent dans leur pays d’origine. C’est aussi cela la mondialisation. Mener des combats d’arrière-garde en se référant aux mânes du général de Gaulle c’est bien, se rappeler que les années 60 ne sont pas les années 2020 c’est mieux, se donner les moyens de ne pas être à la traine tout en préservant un art de vivre ça serait encore mieux.

Alors oui Hourra pour Amazon et Haro sur ceux qui n’ont que la critique à la bouche et l’absence d’idées comme programme.
 


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